Le premier long métrage de la réalisatrice mongole Zoljargal Purevdash nous invite à Oulan-Bator dans un des quartiers périphériques les plus pauvres et les pollués de la capitale de la Mongolie, où les habitants vivent sous le seuil de la pauvreté dans des yourtes difficilement chauffées par des poêles à charbon (en hiver, le thermomètre affiche une moyenne de -35 degrés)...
En 2016, le pays a connu une première grande manifestation contre la pollution de l'air, opposant les plus démunis aux "nantis"...
C'est dans ce contexte que nous découvrons Ulzii, un adolescent qui, depuis le départ de son père, a endossé la responsabilité de la survie de sa mère et de ses trois frères et sœurs...
Très doué en physique, Ulzii qui fait la fierté de son professeur, rêve de faire des études universitaires loin de sa Mongolie natale... mais quand sa mère illettrée et alcoolique décide de retourner à la campagne pour tenter de trouver du travail, il se retrouve chef de famille avec la charge des deux plus grands pour qu'ils puissent continuer à aller à l'école...
Un film passionnant, bouleversant... porté par Battsooj Uurtsaikh, un jeune acteur au regard "bridé", dont l'empathie et le courage nous impressionnent !
Le nouveau film de Sofia Coppola était très attendu !
Après Marie-Antoinette en 2006, la réalisatrice, fille de, s'attaque à un nouveau mythe : Priscilla Presley !
Quand Priscilla Beaulieu rencontre Elvis Presley en 1958 sur une base militaire de l’Air Force à Wiesbaden en Allemagne, elle a 14 ans et lui 24 : il est déjà célèbre, elle est encore au collège...
Sofia Coppola s'est inspirée des mémoires de Priscilla Presley, Elvis et Moi, écrits en 1985 - pour nous proposer sa vision à elle de cette femme enfant, qui, 10 ans après avoir rencontré Elvis, décide enfin de passer à l'âge adulte et ose quitter The King !
Le film nous plonge dans le conte de fées que vit cette adolescente, propulsée dans la prison dorée de Graceland où la star, entouré de son boys' band, peine à exister sous la férule du "Colonel Parker" et de son père...
La caméra s'attache au visage de Priscilla, jeune fille fraîche et sage, transformée en poupée outrageusement maquillée et coiffée en choucroute par la volonté d'Elvis, qui en fait peu à peu sa "chose" jusqu'à ce qu'elle finisse par se révolter...
Si Elvis a le visage d'ange de Jacob Elordi dans la première partie du film, les fêlures du personnage apparaissent très vite... quant à Cailley Spaeny, elle est très convaincante dans son rôle...
Beaucoup de similitudes entre Priscilla et Marie-Antoinette dans leur apprentissage forcé des codes en vigueur, chacune en son palais, chacune en son époque mais j'avoue être restée à l'extérieur du film tant le personnage de Priscilla est quasi mutique et les images trop léchées !
Eté 1941, veille de l’invasion de l’Ukraine soviétique par les nazis.
Dans un shtetl, qu'une rivière sépare de la Pologne occupée par les allemands, Mendele (fascinant Moshe Lobel), un jeune homme parti dans la ville de Kiev pour se lancer dans une carrière cinématographique, revient chez lui pour revoir son père veuf et surtout tenter d'empêcher le mariage de son amour de jeunesse avec son rival Folye (Antoine Millet)...
Le réalisateur français Ady Walter issu du documentaire, dont l'ambition est de nous montrer la vie d'un shtetl (village habité principalement par des juifs) à la veille de l'opération Barbarossa, nous offre une réflexion tout à la fois mémorielle et très actuelle sur une communauté juive divisée entre les hassids, enfermés dans la doctrine religieuse la plus stricte, les opportunistes capables de composer avec les Soviétiques (à l'époque) ou les "modernes", tel Mendele, génial analyste de la Torah mais trop universaliste pour accepter l'étroit héritage rabbinique...
Des personnages complexes, de très longs plans séquences pour installer la profondeur des traditions et la tension qui monte, un jeu savant entre le présent en noir et blanc et le passé en couleurs, un film brillant qui nous parle des conflits d'aujourd'hui : Ukraine et Russie, Israël et Palestine !
A voir absolument avant que le film très peu diffusé ne disparaisse des écrans !
Après l'excellent Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal a de nouveau choisi Laure Calamy pour interpréter l'héroïne de son 4ème long métrage... mais le talent de cette dernière ne fait pas tout...
La réalisatrice qui s'est inspirée des confidences d'une de ses amies récemment divorcée, nous parle du désir des femmes !
Iris (Laure Calamy), a tout pour être heureuse : un mari séduisant, deux filles qui travaillent bien en classe, un beau métier (elle est dentiste), un bel appartement, des amis... mais elle souffre de ne plus être désirée par son mari Stéphane (Vincent Elbaz) qui passe ses soirées les yeux rivés sur son ordinateur...
S'étant inscrite sur un site de rencontre, elle découvre les "Matchs" et les notifications qui pleuvent à longueur de journée...
Après une première rencontre décevante, elle établit des règles et se lance dans la conquête des hommes de tous les âges et de tous les physiques : "il pleut des hommes" dans les bras de la quadragénaire frustrée dont le sourire ne cesse de s'élargir au fur et à mesure des "Dates"...
Après un démarrage laborieux, le film ne trouve pas son rythme et nous impose des scènes sans aucun intérêt entre Iris et les hommes qu'elle choisit, qui sont tous plus benêts les uns que les autres... quant à la fin, elle est tellement prévisible...
Comme chaque année, je me suis livrée à cet exercice difficile mais passionnant : passer en revue les films vus en 2023 et sélectionner ceux que j’ai particulièrement appréciés !
Parmi les 270 films sortis sur les écrans français en 2023, j’en ai personnellement découvert 123 (soit environ 10 par mois) : j’ai battu mon record de 2022 qui était de 95 !
J’ai établi une première sélection de mes films préférés : 29 films dont 17 français et 12 étrangers
Sur ces 29 films, j’ai retenu 10 films qui constituent mon palmarès 2023 : 3 français et 7 étrangers (marocain, anglais, italiens, allemand, américains)
Le n°1 s’est imposé de façon évidente : Anatomie d’une chute de Justine Triet, Palme d’Or à Cannes en 2023, qui a fait un carton au box-office (27e position avec 1.3 million d’entrées) et qui aurait mérité de représenter la France aux Oscars !
Pour les 9 autres titres, j’ai longtemps hésité : je vous propose une sélection qui est le reflet de mes coups de cœur hautement subjectifs, d’autant plus que je n’ai pas vu certains films qui figurent parmi les préférés des critiques (ex : Les herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan ou Le règne animal de Thomas Cailley)
N°1 : Anatomie d'une chutede Justine Triet : un film moderne, puissant, brillant… un thriller, un film de procès qui parle du naufrage d'un couple et de l'intelligence émotionnelle d'un enfant - aux côtés d'une formidable Sandra Hüller dans le rôle principal, des comédiens de grand talent comme Swann Arlaud !
N°2 : Le bleu du caftan de Maryam Touzani : dans la médina de Salé (proche de Rabat), une ode à la liberté d'aimer, à la sensualité des corps, à la suavité des mandarines, au soyeux des étoffes, au travail bien fait - un film magique transcendé par Lubna Azabal !
N°3 : Empire of light de Sam Mendès : le film tourné dans le cinéma « Empire » de Margate est une ode au 7ème art – des personnages aux parcours dignes et poignants et Olivia Colman qui, une fois de plus,crève l’écran !
N°4 : La conférence de Matti Geschonneck : le réalisateur allemand nous fait vivre en "direct" la conférence de Wannsee qui a scellé le sort de millions de juifs exterminés dans les camps de la mort... Documentaire à charge et non fiction, le film devrait figurer au programme d'Histoire des futurs citoyens européens !
N°5 : Le procès Goldman de Cédric Kahn : un brillant exercice de dialectique où l'accusé, magnifiquement interprété par Arieh Worthalter, donne le ton des échanges : pas de témoin de moralité, pas de pathos, les faits, rien que les faits...
N°6 : Tàr de Todd Field : un film foisonnant, à voir pour l'incroyable performance de Cate Blanchett, pour son ancrage dans l'actualité des réseaux sociaux et pour son audace : une cheffe d'orchestre avant-gardiste dans un grand orchestre symphonique allemand !
N°7 : La fiancée du poète de et avec Yolande Moreau : d'une grande douceur et d'une grande liberté, le film est une véritable comédie sociale qui pose la question de la nécessité du mensonge... pour supporter la morosité de la vie !
N°8 : Nostalgia de Mario Martone : une immersion dans le dédale des rues d’un quartier populaire de Naples où règne sans partage la Camorra... une belle réflexion autour de la force du passé, du poids de l'amitié et du sentiment d'appartenance avec l'excellent Pierfrancisco Favino dans le rôle principal !
N°9 : L’enlèvement de Marco Bellocchio : tourné dans de magnifiques décors, une somptueuse reconstitution historique pour nous replonger dans une époque où le pape, à la tête des Etats Pontificaux, pouvait kidnapper un enfant mineur pour l'élever dans la religion catholique contre l'avis de ses parents...
N°10 : Oppenheimer de Christopher Nolan : un biopic magistral avec, dans le rôle-titre, le formidable Cillian Murphy qui excelle dans ce rôle complexe d'un scientifique juif surdoué, amateur d'art et de conquêtes féminines, polyglotte capable de déchiffrer le sanskrit et d'apprendre le néerlandais en un semestre...
Et aussi :
Une belle réflexion sur la quête de soi et l'ouverture aux autres : Le ciel rouge
Un superbe premier film soudanais aux accents féministes : Good bye Julia
Deux formidables reportages : Je verrai toujours vos visages (Justice réparative) et Sur L'Adamant (péniche, centre de jour pour des parisiens atteints de troubles psychiatriques)
Un film coup de poing sur la lanceuse d'alerte Maureen Kearney : La syndicaliste
Agnès Jaoui nous invite à une passionnante masterclass : Le cours de la vie
Quatre films sur la recherche de l'excellence : Le théorème de Marguerite, La voix royale, De grandes espérances et Divertimento
Et encore :
Rien à perdre, Le temps d'aimer, Les feuilles mortes, Second tour, Une nuit, Vers un avenir radieux, Jeanne du Barry, Le ravissement, Les filles d'Olfa
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Les français continuent à reprendre le chemin des salles de cinéma : 181 millions d'entrées en 2023 (+18.9% versus 2022) et je ne peux que m'en réjouir (même si le chiffre reste encore inférieur à celui des entrées des années 2017 à 2019 : 208 millions en moyenne)
J'ai hâte de vous faire partager mes émotions de 2024 !
Monteur et scénariste, Felipe Galvez Haberle réalise un premier long métrage épique pour dénoncer la brutalité des conquêtes de territoires au Chili...
1901, Terre de Feu, un éleveur de moutons charge trois hommes de partir en expédition pour tuer les "bêtes" qui s'attaquent à ses troupeaux, en l'occurrence les Selknam, des chasseurs nomades...
Dans les magnifiques décors naturels de cette région immense et désolée, les hommes armés massacrent et violent les populations autochtones pour "pacifier" la route vers l'Océan Atlantique...
Vu à travers le regard de Segundo, un métis choisi pour ses talents de tireur, le film prend une force particulière en opposant colons et colonisés...
La deuxième partie du film va encore plus loin dans la réflexion en mettant en scène un représentant de l'Etat chilien, chargé en 1908, d'imposer une nouvelle identité nationale, lavée des massacres jusque-là revendiqués...
Malgré quelques longueurs et un propos un peu démonstratif, le film mérite toute notre attention !
Le dernier opus de Hirokazu Kore-eda a obtenu le Prix du Scénario au Festival de Cannes 2023, mais ce n'est pas lui qui a écrit le scénario puisqu'il a fait appel à Yuji Sakamoto...
J'ai personnellement été déroutée par le film qui, selon moi, ne ressemble pas à "un Kore-eda" : aux récits magnifiques et linéaires de ses précédentes œuvres telles que Tel père, tel fils (Prix du jury et mention spéciale du Prix du jury œcuménique en 2013) et Une affaire de famille (Palme d'or en 2018), le cinéaste privilégie ici une histoire à tiroirs qui distrait le spectateur du cœur du propos à savoir les mystères de l'enfance...
Saori (Sakura Ando) qui élève seul Minato (Soya Kurokawa) depuis le décès de son mari, soupçonne Hori (Eita Nagayama), son professeur, d'être à l'origine des troubles de comportement de son fils...
Tout d'abord attachée aux impressions de la mère et aux réactions des différents adultes, la caméra se tourne peu à peu vers l'enfant et vers Eri, son camarade de classe : tous deux déçus par "l'absence" de leurs pères respectifs, ils se construisent un monde à eux...
Quand le scénario rajoute des pluies torrentielles à l'intrigue finale, on ne sait plus si on est dans un film familial ou dans un film catastrophe...
Ce premier film soudanais de l'Histoire du pays, en Sélection officielle au festival de Cannes 2023, a remporté le Prix de la liberté !
Sorti début novembre, noyé au milieu d'autres productions, très peu distribué, le film de Mohamed Kordofani trouve peu à peu son public (25 000 entrées à ce jour)...
Nous sommes en 2005 : au Soudan, les affrontements fratricides entre le Nord et le Sud reprennent suite à la mort accidentelle du leader des chrétiens du Sud, quelques mois après la signature d'un accord de paix...
Pour réaliser son film, Mohamed Kordofani a quitté le confort d'une carrière dans l'aéronautique pour créer sa société de production afin de lancer "un appel à la réconciliation pour construire une nouvelle identité nationale, basée sur des valeurs d’humanité, de coexistence et de justice plutôt que de race, de tribu et de sexe".
Tourné à Khartoum, le scénario nous immerge dans le quotidien de deux femmes que tout oppose : Mona (merveilleuse Eiman Yousif), de classe sociale favorisée et de religion musulmane vit à quelques rues de Julia (tout aussi merveilleuse Siran Riak), chrétienne pauvre venue du Sud...
Mona vit sous la coupe d'un mari jaloux qui lui a interdit de poursuivre sa carrière de chanteuse sous peine de la répudier, et ce d'autant plus qu'elle n'arrive pas à lui donner un enfant...
Quand Mona, suite à une série de circonstances dramatiques, décide d'embaucher Julia comme bonne, une complexe et belle relation se noue entre les deux femmes : dans des décors aux couleurs chaudes, Mona et Julia vont se découvrir, se confier, s'épauler, se reconstruire sous le regard perspicace du fils de Julia..
Une progression dramatique entrecoupée de douces scènes de complicité féminine, des dialogues profonds, des personnages secondaires bien campés, un contexte historique méconnu des pays occidentaux... un grand film, une fresque féministe qui mériterait une plus large diffusion !
A voir absolument avant qu'il ne disparaisse des écrans !
Rosa (formidable Céleste Brunnquell) est bien la fille de son père Etienne mais pas, comme elle le déclare, la fille de sa mère Virginie, mystérieusement disparue alors qu'elle n'était qu'un bébé...
Quand Etienne rencontre Virginie, c'est le coup de foudre : ils n'ont pas vingt ans et quand un bébé s'annonce, ils n'en ont guère plus...
Courageusement, Etienne (Manuel Pérez Biscayat excellent mais peu crédible dans un rôle de père), décide d'élever seule sa fille dans la maison familiale...
Ils se construisent dans leur relation à deux et dans leurs passions respectives : lui le foot, elle la peinture...
Quand Rosa décroche à 17 ans son examen pour une école de Beaux Arts à Metz, père et fille s'interrogent sur leur avenir...
Rosa est amoureuse de Youssef (Mohammed Louridi très prometteur) : ce dernier a entrepris d'écrire l'histoire de Rosa et d'Etienne qui, pour lui incarnent le drame et la poésie, alors que sa vie à lui est dramatiquement banale...
Etienne est amoureux d'Hélène (délicieuse Maud Wyler), chauffeur de taxi de son état...
Un film plein de poésie avec de nombreux moments de grâce mais également des séquences un peu inutiles...
Pour son deuxième long métrage, le réalisateur Erwan Le Duc n'a pas choisi un thème facile et le pari est plutôt réussi !
La recette : mettre dans un shaker une boarding school pour fils de riches dans un paysage enneigé du Massachusetts, Paul Hunham (formidable Paul Giamatti), un professeur disgracieux et mal aimé, Angus (Dominic Sessa prometteur), un ado intelligent mais dépressif et rebelle et Mary (Da'vine Joy Randolph), une cuisinière black aux formes rebondies dont le fils a été tué au Vietnam (nous sommes dans les années 70), secouer le tout et savourer durant 2h10 un film à la fois daté mais intemporel qui nous fait croire à la magie de Noël...
Le réalisateur américain Alexander Payne s'est inspiré de sa propre expérience pour nous offrir ce conte avec ces trois personnages principaux qui se retrouvent, chacun pour une raison différente, contraints de passer les vacances de Noël dans l'internat déserté...
Sans trahir le scénario, le spectateur comprend très vite que de ces trois solitudes va naître une complicité mais rien n'est convenu dans ce film et une vraie émotion va peu à peu s'installer, révélant les failles et les talents de chacun jusqu'à la dernière scène qui ouvre le champ des possibles...
Malgré une première partie un peu trop longue, le film vaut vraiment la peine d'être vu pour ses personnages très attachants !